Wednesday, January 18, 2012

Interview avec Jacques Guérin, organisateur du festival du Bout du Monde (1/2)

Créé en 1994 par Jacques Guérin, Quai Ouest Musiques est concentrée sur quatre activités : (1) la production de spectacles sur Brest et la région Bretagne ; (2) la programmation de nombreuses grandes manifestations estivales (Fêtes maritimes : Brest 2000 - 96 - 92, Douarnenez 2000 - 96, Fête du Chant de Marins de Paimpol depuis 97, Jeudis du Port de Brest depuis 91, Mardis de Morgat...) ; (3) l'organisation de tournées d'artistes (The Silencers, Red Cardell, Les Goristes...) ; (4) l'organisation du Festival du Bout du Monde en Presqu'île de Crozon depuis 2000 (300 artistes et 60.000 festivaliers en 2007).

Dans le cadre de mon cours sur la gestion de projet, j'ai interviewé Jacques Guérin dans les locaux de Quai Ouest Musiques à Brest, le 27 décembre 2011. Les questions sont plus ou moins orienté sur la gestion de l'inattendu, des surprises et des imprévus. En voici la première partie !


  • Combien d'employés, de bénévoles et de partenaires pour le festival du Bout Du Monde ?
  • Il y a 1550 bénévoles qui viennent principalement de la presqu'île de Crozon, du Finistère ou de Bretagne et d'autres qui traversent toute la France pour venir sur les cinq semaines de chantier. En salariés, nous embauchons une soixantaine d'intermittents du spectacle et une quinzaine de personnes sur des contrats de deux à six mois pour la régie technique (électriciens, monteurs, et autres). Concernant les partenaires, dans le secteur économique nous avons plus d'une trentaine de partenaires, principalement des entreprises bretonnes (à part la brasserie Kronenbourg qui vient d'Alsace).

  • C'est une entreprise externe qui s'occupe du recrutement ?
  • Non c'est la production du festival qui embauche des intermittents et des techniciens en fonction de leurs qualités. Par exemple, ça peut être une personne qualifiée en technique générale, en régie électrique ou pour le magasin.

  • L'organisation du festival en lui-même, c'est uniquement les quatre personnes du bureau de Quai Ouest Musiques ?
  • Oui, c'est quatre personnes à l'année mais pas seulement sur le festival, nous avons d'autres projets en parallèle. Une personne qui est plus dans la production administrative, une deuxième personne qui gère tout ce qui est bénévolat et coordination, une troisième personne qui travaille sur la communication et les relations publiques et moi-même qui dirige le bazar avec une partie production, une partie programmation et de l'organisation générale.

  • Au niveau du financement, comment fonctionne le festival ?
  • C'est très simple, c'est de l'auto-financement à 97% avec un budget de 20,6 millions d'euros. Nous avons donc très peu de subventions. Uniquement sur des actions bien précises comme le transport de la part des communes, du conseil général et de la région Bretagne. Le reste, c'est du partenaire économique et privé et les recettes de billetteries,  des réservations, des pré-ventes et des bars.

  • Comment se déroule la gestion du site sur la presqu'île de Crozon à l'année ?
  • À l'année, certaines prairies ne sont pas du tout utilisées, uniquement de l'herbe recoupée avant le festival. Il y a juste quelques cultures.

  • Ce sont les mêmes agriculteurs chaque année ?
  • Il y a plus de 110 propriétaires de terrains dont seulement une dizaine d'agriculteurs. Ce sont des petites parcelles de 500m2 à un hectare. Sur l'espace scénique, qui fait à peu près trois hectares, on n'y ramasse que le foin, il n'y a pas d'agriculture du tout.

  • Que se passe t'il si un propriétaire décide de ne plus vous laissez libre-accès à son terrain ?
  • Nous gérons ça par le dialogue, par négociations mais en général ça se passe bien. Nous avons une convention qui nous lie en tripartie avec la communauté des communes, les agriculteurs et nous-mêmes.

  • Ce sont des contrats sur plusieurs années ?
  • Oui. En échange, nous donnons dix forfaits trois jours pour les propriétaires et leurs familles.

  • En plus d'un dédommagement financier ?
  • Non, il n'y a pas de dédommagement financier. Uniquement cet accord qui nous permet l'accès aux terrains et parcelles en contrepartie des forfaits.

  • Comment avez-vous géré la venue exceptionnelle de Manu Chao en 2003 ?
  • Ce n'était pas prévu au départ. Il faisait sa tourné mi-août et nous a proposé de venir. Le festival était fixé sur deux jours lorsque nous avons eu cette opportunité. Nous avons pesé le pour et le contre, demandé aux élus de la presqu'île de Crozon, aux bénévoles, et à l'équipe. On a dit 'Banco' ! Les infrastructures étaient déjà montées donc nous avons juste rajouté un jour de festival.

  • Tout ça s'est passé en une journée ?
  • Non, la décision a été prise en trois ou quatre jours. Il fallait être très réactif. Les festivaliers ont directement été mis au courant en juin. Après il a fallu faire un plateau artistique pour la scène principale (les autres scènes ne fonctionnaient pas ce lundi) alors nous avons invité les frères Morvan et Asian Dub Fundation. Après on a l'a géré en termes d'accueil du public, parking, camping, espace restaurant, etc. Tout était déjà prévu de toute façon. C'était un one shot !

  • D'où vous est venu l'ambition de mettre en place des gobelets réutilisables et consignables en 2007 ?
  • Nous ne sommes pas les précurseurs. Les allemands dans les stades de foot font ça depuis des années !

  • Pourquoi cette idée de l'instaurer en France, lors d'un festival de musique ?
  • Nous avons une association partenaire basée à Landerneau qui utilisait déjà des verres réutilisables et consignables à petite échelle lors de leurs fest-noz. Nous avons rencontré ces équipes et on s'est dit : pourquoi pas mettre ça en place à la dimension du Bout du Monde. C'est à dire que la première année, nous avons acheté 120.000 verres. C'était un pari puisqu'on ne savait pas exactement si ça allait marcher ou non. Et en fin de compte, nous avons expliqué les choses par rapport à la propreté, à l'environnement et à l'écologie. Ça a frappé le public qui a adhéré tout de suite. Consigne à 1€ puis déconsigne. Avant de parler écologie, on parle surtout de réutiliser et consigner. C'est simplement que boire un verre puis le jeter ne sert à rien ! Ça a éliminer tous les verres en plastiques qui se baladaient sur la prairie... En terme d'environnement et de qualité du site, nous avons beaucoup gagné.

  • Pourquoi avoir limiter le nombre de festivaliers à 60.000 ?
  • Pour que le festival reste à taille humaine, pour que le public qui nous fait confiance garde cette fidélité et cette convivialité qu'ils aiment bien. Nous voulons aussi bien accueillir les gens, non pas comme dans un stade de foot où il faut battre des records d'affluence ! C'est un choix de production, de financement, de philosophie. C'est une identité. Nous sommes là pour faire de belles choses, que ça soit bien organisé et que ça plaise au public. Voilà, nous n'irons pas au delà de 20.000 par jour.

La suite de l'interview par ici : Interview avec Jacques Guérin (2/2).

Le résultat de l'interview dans mon cours sur la gestion de projet: Project Management: How the managers of music festivals handle the unexpected and uncertainty?

Vous pouvez aussi visiter le site du festival du Bout du Monde.

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